Crastaing, le professeur de français de Kamo et de son meilleur ami, terrifie non seulement ses élèves mais leurs parents avec qui il a "une petite conversation" quand un collégien ne lui a pas rendu sa rédaction. Un jour, il soumet le sujet suivant: imaginer la suite d'une situation où les parents sont redevenus des enfants tandis que les enfants sont devenus adultes. À mesure que les élèves tentent de rédiger le devoir, ils disparaissent.

Kamo et moi est peut-être le volume de la série que j'ai le plus lu, non parce qu'il était mon favori mais parce que c'était le seul que j'avais chez moi alors que je devais emprunter les autres à une bibliothèque que j'ai arrêté de fréquenter après l'école primaire. Pourquoi pas mon favori? Peut-être parce qu'il y avait quelque chose dans ce roman de beaucoup plus triste et sinistre que les autres (même L'évasion de Kamo). Le personnage de Crastaing a tout du prof qui effraye ses élèves et même si durant ma scolarité je ne suis jamais tombée sur un cas pareil, il y avait toujours cette crainte d'y avoir droit à chaque rentrée. Ou parce que les personnages se trouvent dans une situation angoissante, tout à coup adultes, à devoir gérer des enfants sans que l'on découvre le pot-aux-roses, de toute manière incroyable.

Ce tome est le seul avec une intrigue ouvertement fantastique mais les autres aventures de Kamo baignent suffisamment dans une ambiance fantaisiste pour que l'on admette cette possibilité. L'humour n'est une fois de plus pas absent grâce à la faconde du personnage principal. Voir Pope, Moune et surtout Tatiana en gamins est également amusant. Les illustrations de Jean-Philippe Chabot de l'époque ajoutaient aussi pas mal au charme de ces bouquins, je dois dire. Je sais que les nouvelles éditions ont donné leur chance à un autre illustrateur mais pour moi le texte et les images sont devenus indissociables, comme je ne peux me faire à Sacrées sorcières illustré par quelqu'un d'autre que Quentin Blake. La résolution prend un tour délibérément émotionnel lorsque l'on en vient à mieux comprendre Crastaing et ce qui motive ses sujets de rédaction monomaniaques.

L'Agence Babel intriguait avec ce mystère autour de la correspondante de Kamo, L'évasion de Kamo nous plongeait dans l'Histoire tourmentée de l'Europe de l'Est par comateux interposé, Kamo et moi trouve son ton propre en prenant cette fois le surnaturel à bras le corps, arrive brièvement à faire frissonner avant d'émouvoir car à l'instar de son héros, le roman est plein de bons sentiments sans jamais verser dans la niaiserie.